mercredi 5 octobre 2011

Portrait: Norma Jean



Elle est encore ici une jeune fille classique dotée d'un visage rayonnant. Et pourtant, dans l'encadrement de sa crinière fauve, on croit distinguer la future Marilyn, les mèches blondes devenues célèbres dans le monde entier ; et puis cette expression capturée sur le vif, qui nous rappelle combien elle était vivante, imparfaite (comme on aime à se le dire!), encore loin de ces photos qui ornent aujourd'hui les murs d'hôtels sans qu'on leur accorde plus d'intérêt...

dimanche 25 septembre 2011

carnet de voyage: Fontainebleau




  Nous marchons lentement en humant la fraîcheur du matin ; le jardin du château appelé « à la française » se déroule à nos pieds dans la lumière blanche de ce début de journée. Il ne fait pas encore chaud. Le murmure de la fontaine, notre isolement - personne autour de nous  - me fait ressentir le plein éclat de ma jeunesse, sa primeur transportée dans l’air frais se déposant sur mes lèvres. Ces premières heures du jour paraissent réfléchir mes jeunes années et leur immortalité : fixées à jamais dans ma mémoire de mortelle, elles m’enivrent et je n’oublierai pas cet instant.
 Nous évoquons, assis sur un banc, la question de l’illustration se positionnant comme art… L’est-ce ? Au loin, se découpe l’étang, devant le château et je regrette de ne pouvoir me laisser flotter dans une barque en observant les cygnes… Mais c’est dimanche, le batelier ne travaille pas.

  Plus tard, nous visitons les grands appartements. M… peste contre les dorures qui jaillissent de chaque pan de mur et le velours de mauvais goût des fauteuils. Oui, ces pièces sont richement meublées, décorées (de belles peintures d’ailleurs, petits plafonds de Boucher et fresques du XVIe siècle) mais quel manque d’élégance, d’harmonie. Je me rappelle Versailles et plusieurs images défilent dans ma tête, le salon de Mars, la chambre de la Reine, d’un bleu délicat, de sublime raffiné. Ici, plusieurs époques se côtoient, le résultat n’est pas loin de l’ameublement de certaines préfectures de province. Je reconnais que le château m’a moins marquée que son jardin. Nous ressortons, un peu étourdis par tout ce luxe aux mille détails. 
 Notre regard ne se repose, en sortant, que sur les contours réguliers et simples du jardin à l’anglaise. Près de l’étang, je tente de faire un croquis de la rive opposée ; des Italiens agités veulent nourrir les cygnes. Le pavillon, sur l’eau, luit au milieu des canards et je me demande ce qu’il contient.
  Pour le déjeuner, nous nous rendons dans le centre ville déguster de la cuisine italienne : salades de chèvre chaud pour moi, calzone pour M…, café gourmand et coupe Amarena, nous ne sommes plus en France ! Nous quittons la table une heure plus tard, décidés à nous promener dans la fameuse forêt. Je ne pense pas que ce soit la vraie que nous ayons trouvée. A côté d’une route nationale, nous tentons de nous éloigner à travers le tapis de feuilles et de bois mort, pour oublier le bruit des voitures. En vain. Assis sur des rochers recouverts d’une mousse douillette, j’essaye un nouveau croquis. Le craquement des branches en ce mois d’automne me fait sursauter ! Je crois voir des sangliers partout ! Mais il est temps de partir, hélas et de retourner à Paris. Je jette un regard mélancolique au cadre environnant : le ciel exceptionnellement bleu apparaît dans l’eau des divers étangs où les gens se prélassent sur les berges. Nous revenons à l’hôtel, récupérons notre bagage et je songe à demain, la vie reprend son cours…


lundi 25 juillet 2011

Extrait de journal



Dimanche 24 juillet 2011


  Quelle agréable sensation que de se dire « ma journée fut réussie » ! Même si le temps à Paris ne laisse pas l’été s’exprimer, il n’empêche que les belles promenades à demi ensoleillées demeurent plus que satisfaisantes ! Nous sommes partis avec M. déjeuner dans le jardin des serres d’Auteuil. Le simple fait de discuter tranquillement sur un banc faisant face à un parterre de fleurs suffit amplement à se sentir en paix…
  Malheureusement, j’ai pris conscience de mon ignorance en matière de botanique. Je ne sais pas même reconnaître les pétunias des volubilis ! Et pourtant, le sujet mériterait une attention complète.
  Après avoir évoqué la vie de nos amis, la beauté des lieux (quelque peu amoindrie par le bruit lancinant du périphérique voisin) et les caractéristiques de la nature en Amérique – un terrain d’exploration continuel dans nos conversations - nous nous sommes dirigés paresseusement vers les serres endormies dans leur cocon humide. M. a pu me faire apprécier à travers une reconstitution de la flore subsaharienne, les plantes de son pays et ses souvenirs s’y rattachant. Déambuler entre les premiers cotonniers ou caféiers jamais aperçus ou bien pénétrer dans une serre grandiose abritant d’énormes fleurs éclatantes et des poissons exotiques relèvent de l’inconnu le plus délectable. Des choses que je n’avais jamais vues… j’espère tant qu’il y en aura encore ! Quelle joie (quel autre mot employer?) d’examiner les couleurs chatoyantes des perruches en cage et autres oiseaux, ces couleurs qui semblent si peu réelles en comparaison de celles de nos pauvres moineaux… On oublie presque qu’elles n’existent pas seulement sur les livres de coloriage. Et lorsqu’on s’assoit simplement au cœur de ce monde tropical recrée comme par magie, on entend le souffle de cette nature si étrange, aux créations improbables, aux plantes tachetées, cloutées, bigarrées…
  Et on s’en retourne, un peu moite, un peu sous le charme, pressé de revenir mais désireux de retenir quelques noms de botanique, ces noms insaisissables qui seraient tellement plus faciles de se rappeler s’ils se transformaient en « plante léopardée »  plutôt que de contenir des syllabes latines sévères, ne reflétant pas les harmonies de la nature. Bien sûr, je n’en ai retenu aucun et resterai ignorante. Mais cette même ignorance m’encouragera à retourner à ces serres et puis je ne puis m’en défaire, elle me fait voir cette poésie qui existe quand on se prend à rêver autour de ces arbres, fleurs et autres fruits; je ne m’imagine pas les examiner sérieusement en y collant des étiquettes ! De toute façon, il n’y a aucune raison que cela se produise, je n’entends rien à la science, hélas.
 Enfin, quelle belle journée ! Je me couche, heureuse ou « tenue en joie » !

samedi 19 mars 2011

Musée: croquis à Orsay





                                                                   La Nature se dévoilant à la Science, E. Barrias, 1889

  Cet après midi, je me suis lentement promenée parmi les sculptures du deuxième étage du musée d’Orsay, en quête d’un modèle pour un croquis. 
  Après avoir remarqué quelques figures de Rodin et aperçu les visages languissants des peintures préraphaélites (exposition Une Ballade d'amour et de mort photographie préraphaélite en Grande-Bretagne 1848-1875) que j’irai visiter avec plus d’attention une autre fois, je me suis rendue dans l’autre aile où trônait cette œuvre splendide d’Ernest Barrias : La Nature se dévoilant à la Science. Je ne m’étais pas trompée, en la trouvant fascinante et en quelques heures, j’ai pu constater que les visiteurs venaient, intrigués, se presser à ses pieds.
  J’avais trouvé mon modèle. C’est sans doute en dessinant une œuvre qu’on la détaille le plus parfaitement : on s’attache à toutes les caractéristiques de la statue que notre main maladroite ne fait que recopier. 
 Le mélange de marbre rouge pour le motif de la robe et d’onyx pour le voile blond encadrant la figure, nous découvre une mince jeune fille au geste pudique dévoilant son buste et son visage légèrement inquiétant. Le résultat est saisissant et envoûtant, le mouvement d’un naturel parfait jusqu’à la pointe du vêtement qui s’échappe du socle. La grâce de cette statue me fait penser à la très belle Léda de James Pradier au Musée d’Art et d’Histoire à Genève.   De la même manière, l’artiste utilise différents matériaux à savoir le bronze, l’ivoire, la turquoise afin d’introduire une dimension presque réaliste et certainement magique à son œuvre.
  Mais la réflexion que je me suis faite sur le moment, c’est surtout que les statues ne veulent rien dire sur une photographie. Si, aujourd’hui, internet nous offre deux cent photos de peintures connues et délaissées, avec zoom pour distinguer tous les détails (finalement, on les voit même mieux qu’au musée) les statues elles, ont décidément besoin d’un cadre et d’être vues en vrai, sous tous les angles pour ne pas perdre de leur puissance… Quoi, de plus intéressant pour un dessin ?


                                            Léda et le Cygne, J. Pradier, 1850

jeudi 24 février 2011

Peinture: Alma Tadema


                                                   Among the Ruins, Alma Tadema, 1902

  La production de Sir Alma Tadema est certainement inégale ; on ne le dira jamais assez, surtout pour la mièvrerie de ses visages et quelques uns de ses sujets.
  Et pourtant… j’ai découvert ce tableau ci au détour d’une recherche sur le web et son titre me semblait déjà d’une délicieuse poésie.
  Dans la majorité de ses œuvres, il représente du marbre en profusion, de la glace veinée de bleu, toujours parfaite, d’une netteté et d’un équilibre remarquables. Mais, celle-ci est différente ; l’ordre et le calme ont disparu un jour, dans le passé, le temps a détruit la perfection du marbre. 
 Et cette jeune femme en camaïeu bleuté se penche désormais vers des ruines oubliées près du rivage. Elle seule les a vus, les examine curieusement, leur redonne un peu de leur prestige ancien, par son attention : les choses n’existent peut être que pour les hommes. Pour combien de temps encore ? Avant que cette jeune femme ne meure à son tour et que ces ruines ne restent solitaires, près de la mer pour l’éternité.

lundi 3 janvier 2011

Musée: excursion à Orsay


                                                               Nègre du Soudan, C. Cordier


Il s’agissait presque d’une aventure ! Une bonne partie de la population européenne avait dû se réunir ce jour là à Paris et avec ma naïveté toute provinciale, je n’imaginais pas me battre pour apercevoir un tableau… Donc, inutile de dire que beaucoup d’œuvres étaient complètement voilées par la foule et que bien sûr, les plus célèbres ne laissaient entrevoir qu’un maigre coin de toile, trop indigeste pour pouvoir en apprécier tout le talent… C’est ainsi que pour distinguer le déjeuner sur l’herbe de Manet ou encore l’Eglise d’Auvers sur Oise  de Van Gogh, il fallait se hisser sur la pointe des pieds et garder une patience d’ange. My mistake, comme disent les Anglais, j’y retournerai un jour plus calme. 
  Il faut donc l’admettre, légèrement déçue des conditions de ma première véritable visite du musée d’Orsay (première, en exceptant l’exposition sur L. Gérôme), je me contentai d’errer parmi les sculptures de la grande galerie, étrangement délaissées par les touristes épuisés, assis sur les balustrades et ne remarquant pas même, dans le tournoiement des merveilles, les chefs d’œuvres de marbres étalées devant eux. J’aperçus les bronzes de Carpeaux et ses émouvantes esquisses en terre cuite, les membres blancs des femmes Grecques de Pradier …
  Mais surtout, et c’est ce que je retiendrai de cette visite ci, cette noble figure d’Afrique, intitulée Nègre du Soudan, de Charles Cordier, parmi deux autres (ô combien tranquilles au milieu de la cohue !), tout aussi remarquables. L’utilisation du marbre d’onyx – aux reflets des pays chauds - permet déjà la distinction de ce buste par rapport aux autres qui parsèment la nef. Mais c’est surtout cette noblesse des traits - ces lèvres si vraies, si sensuelles, ces yeux presque inquiets dans leur dignité solitaire - cette noblesse, dis je, transparente à travers le bronze, qui frappe le visiteur et l’intrigue. 
 Qui fut le modèle? Et notre esprit s’enflamme, s’éloigne pour des terres chatoyantes, des histoires de princes à l’ombre des oasis, d’esclaves rêveuses s’enfuyant dans la nuit, enveloppés d’une musique envoûtante. 
 Plus simplement, mais non sans quelque magie, le sculpteur semble être tombé sous le charme de ce joueur de tam tam, à Alger dans les années 1850. Il le fit poser et créa cette œuvre immortelle, intemporelle, célébrant la finesse d’un visage un peu farouche dans l’aspect du sourcil, un peu mélancolique et fatigué comme le montrent ses cernes, cette peau qui palpite sous le bronze glacé. 
 Et à travers la beauté d’un homme (disparu depuis plus d'un siècle), il représenta celle d’un peuple, d’un continent tout entier, méconnu par sa différence. Qu’est que cela montre ? La curiosité de l’artiste comme moyen de faire perdurer la beauté humaine, peut-être…