samedi 6 novembre 2010

Impressions de voyage: la magie d'un instant sur un pont vénitien


    
                              

  Je m’avance sur le quai, le long du Grand Canal – la foule et la chaleur y sont étouffantes. On dit que Juillet est la mauvaise saison. En profiterai-je ?
  Maintes fois décrite, adulée, reconnue ville d’art et d’inspiration, Venise fascine depuis sa création. Elle est pendant des siècles redoutée pour l’habileté de ses marchands, citée en triste exemple pour les épidémies de peste et de choléra qui aiment à s’y répandre dans les eaux insalubres des canaux. Mais, sa fondation en fait déjà une ville au caractère unique, et c’est, selon moi, ce que l’on devrait le plus retenir. Une cité sur les eaux, tenant presque par miracle… Oublions les chagrins, la mort qui y rôde, Thomas Mann et les autres… comme caractéristiques de la ville, j’entends. Venise est changée, aujourd’hui, elle a les couleurs arlequin des cités estivales, joyeuses, une gaie inspiration pour les poètes lassés de se morfondre toujours en des vers fatalistes. On ne pense pas à La Mort à Venise quand on se perd avec insouciance dans le dédale de ruelles aux parfums de fleurs accrochées au dessus de nos têtes, sur les balcons scintillants. Les brèves échappées de lumières, dont parle plutôt l’auteur Frances Mayes, se distinguent certainement à travers le verre de Murano par transparence… et elles se reflètent sur tous les toits de la ville.

  Je découvre, émerveillée quelques exemples des trois mille ponts de la Sérénissime. Ils sont construits un peu tous de la même façon, deux escaliers joignant une petite terrasse propice aux rêves éveillés. « Che il bel Sogno di Doretta », je murmure les premières notes, me perds dans les coulisses de ma mémoire. Entre Nice et Paris… il subsistera Venise…

   Une branche de saule penche sur les eaux, provenant d’un des jardins cachés si habilement aux nuées de touristes. Sur le Campo dei Frari, deux gondoliers discutent assis sur des chaises basses. Je désire les prendre en photo, ils sont très sollicités, admirés par les passants. Je réussis. Plus tard, je repasse sur la même place ; des violonistes jouent légèrement sous la chaleur accablante le printemps de Vivaldi. Une fois dans la Basilique, on peut encore les entendre, sous les voûtes. Puis, sans transition aucune, ils commencent O Sole Mio… Je l’aurais entendu, si ce n’est sur une des luisantes gondoles, au moins joué par des vénitiens !
  Nous rejoignons le Grand Canal, nous frayons un passage sur le Rialto : comment le pont peut-il tenir ? Trois cents personnes à peu près s’agglutinent sur les bords ; il faut beaucoup de recul pour imaginer le Canaletto, assis avec sa palette, retraçant cette réalité qui brille pourtant toujours aujourd’hui.
  Plus loin encore, la place Saint Marc est défigurée. Des estrades dressées en vue de plusieurs concerts durcissent l’harmonie de l’architecture. Je suis machinalement les pigeons au milieu des touristes innombrables ; sur la gauche, près de la mer parsemée de canots à moteur, se trouve le pont des soupirs, dissimulé sous une bâche publicitaire : les travaux n’empêchent pas les admirateurs passionnés d’en photographier quelques centimètres!

  Nous retournons sur nos pas, avec une impression d’inabouti ; Venise ne m’a pas encore livré tous ses mystères… Pourquoi ce sentiment de tristesse quand on s’en éloigne, en route vers Mestres, un retour vers le Laid, le réel également, la monotonie et la lenteur de la vie… Venise, elle, disparaîtra un jour et c’est précisément ce fait qui nous presse de revenir… Entendre les transports de l’Hiver de Vivaldi, dans le froid marin et se retrouver seule entre ces rues tranquilles, non pas éteintes mais lumineuses : c’est une certitude, j’y reviendrai.   

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